mardi 21 novembre 2017

Réseaux sociaux et romance, ces profils qui nous laissent perplexes...

Crédit photo : Alice in wonderland, Walt Disney (1951)
En intégrant le petit monde de la romance, je me suis interrogée sur certaines postures et comportements, croisés le temps d’une discussion ou d’un partage d’actualités. Certains m’ont déconcertée, parfois horripilée, d'autres m'ont fait rire, tant et si bien qu’il m’a semblé amusant d'en faire un petit article récapitulant les plus remarquables.

L’auteur qui refuse l'étiquette "lecteur de romance" pour mieux en écrire. 
Au fil de mon immersion, j’ai souvent lu cette affirmation : « je ne lis jamais de romance » (sous-titre : A va pas, non ? Je lis pas cette merde pour greluches hystériques, Môa !), surtout chez des auteurs ayant acquis une petite notoriété. Comme si les penser capables d’en lire était la pire des insultes. Je ne parle évidemment pas de ceux qui n'en lisent pas et n'en font pas étalage, mais bien ceux qui revendiquent haut et fort ne pas s'y frotter (pourquoi, c'est contagieux ?).
Outre les doutes que m’inspirent de tels propos (certaines de ces œuvres étant clairement inspirées de succès sentimentaux récents), je ne suis pas sûre d'apprécier qu'un auteur me pousse à acheter un roman qu'il n'aurait lui-même jamais lu. Comment croire en sa sincérité, quand, au détour d'une discussion, il ironise sur la qualité générale d'un genre (et par extension, de son public), inversement proportionnelle à la quantité de « pognon que ça rapporte » ? (du vécu).
Parfois, en guise de justification, l'auteur fait valoir son œil neuf, sûr d'apporter de la fraîcheur. S'il n’est pas illogique de vouloir s’affranchir des codes de la romance, de là à affirmer qu’en méconnaissant ses mécanismes, on est capable de la renouveler, c’est faire preuve d’une sacrée arrogance (et comment peut-il savoir qu'il renouvelle le genre s'il n'en lit jamais, hein, hein ?). D'ailleurs, les exemples que j’ai en tête m’ont prouvée que ces histoires n'avaient rien de révolutionnaire…

L'auteur de fanfiction ou la bestiole communautaire (Anna Todd, tremble, j'arrive !) 
C'est la génération Wattpad ; des romances rédigées pour le plaisir (ou pour la gagne), par des lectrices pour des lectrices, dont une grosse majorité rêve de devenir la nouvelle Anna Todd, voire d'être celle qui va poutrer After avec un Bad quelque chose.
Ça pourrait être toi, moi, la voisine... bref, tout le monde ayant une connexion internet, l'envie de raconter des histoires et le désir d'avoir des retours de lecteurs.
Ce que j'aime moins, ce sont les starlettes arrivant en terrain conquis, suivies d'une cour de ravis de la Crèche, qui se contentent de flatter l'auteur charismatique pour faire oublier un texte somme toute sans grand intérêt. Le problème, c'est qu'au nombre de vues, le plus gros gagne la mise et trouve éditeur à son pied. Lorsque son seul talent est d'avoir su se construire une audience en se servant des échanges entre membres, ça donne des titres médiocres, mais publiés.
Principe number one du petit wattpader : être partout, incontournable, obligeant les autres à s'intéresser à lui. On hameçonne un public, puis on le ferre avec une histoire facile et universelle. Parfois même, le noyau communautaire est le seul argument qui lui permet d'être édité, ce qui se traduit par ce bandeau-type : « déjà 50 000 lectures sur Wattpad ».
Lol.

L’auteur qui construit son personnage public au lieu de se constituer une bibliographie (ou quand l'image prime sur le contenu)
 

Aaah, celui-ci me fait sourire à chaque fois. Y a un petit côté  « au théâtre, ce soir », d’assister à cette foire à la vanité, surtout lorsque les résultats s’avèrent bien maigres par rapport aux efforts consentis. Je sais, c’est très vilain de se moquer des petits travers d’autrui, cela dit, cette course au culte de soi-même a quelque chose de pittoresque.
Aujourd’hui, impossible de nier que le néant tire parfaitement son épingle du jeu, pourvu qu’il ait un bel emballage (ex : ces « célébrités » issues de la téléréalité). C’est pourquoi de nombreux auteurs ressentent le besoin d’exister sur les réseaux sociaux avant même d’avoir écrit leur première ligne. Dans mes contacts facebook, j’ai moi-même un intéressant panel de Machin(e) Auteur(e), dont l’œuvre n’a pas encore connu les joies de l’édition, et encore moins la tournée des soumissions (et des refus l’accompagnant), mais qui chiade son image comme un produit marketing plaqué or. Bref.
Pour en revenir à l’auteur qui confond vendre et SE vendre, on le reconnaît aux nombreuses photos de lui-même qu’il partage dans des poses dignes de Playboy ou du Studio Harcourt (il peaufine son image de star, des fois que sur un malentendu...), à ses activités annexes qui le mettent en avant sans pour autant parler de sa production anémique, aux multiples déclinaisons d’une seule et même œuvre (entre l’ebook, le livre, la version audio, éventuellement la traduction et l’adaptation ciné – ah non, là, on rêve), qui parfois même se positionne en romancier expérimenté du haut de sa longue carrière d'un ou deux ans d'exercice…
Tout, tout, tout, pourvu qu'on parle de lui. Son œuvre ? Détail ! On verra plus tard.


L’auteur qui prétend que son cas s'applique à tout le monde  (sous-titre : si tu n'as pas la même carrière, tu t'y es pris comme un blaireau).

Crédit photo : Glee
Celui-ci m’est peu sympathique, tant sa fâcheuse tendance à tout ramener à sa successful expérience est teintée de mépris. Chaque débat à propos des difficultés rencontrées par les autres auteurs fait l'objet d'une intervention en mode "moi aussi, j'ai super galéré", alors qu'il explose les ventes, et bénéficie de sacrées avantages éditoriaux. J’imagine qu’intervenir sans un minimum d’humilité recueille de sacrés grincements de dents, en privé. Même un œil extérieur est capable de déceler les différences de traitement entre auteurs, il n'y a qu'à voir la publicité faite autour de leurs actualités, et le type d'édition dont ils bénéficient.
Car non, tous les auteurs ne trouvent pas systématiquement une maison d’édition prête à les signer au premier texte soumis, tous les auteurs ne bénéficient pas d’une mise en avant digne d'un blockbuster à chaque nouveauté, tous les auteurs ne sont pas publiés en « Saint Graal papier ». Cela n'en fait pas de mauvais auteurs (en général, ils ont même un talent et un style plus singuliers), juste des auteurs qui n'ont pas eu de bol à la loterie du timing.
Et quand l'auteur à succès insiste sur son parcours du combattant, en comparant son cas avec celui de ses collègues moins chanceux, c'est un peu comme si un gagnant du loto donnait des leçons de boursicotage à un SDF.
Hors sujet et limite indécent.


L’auteur qui revendique sa franchouillardise, tout en situant ses romans aux USA (parce que ça fait plus sexy).

Crédit photo : Stephen Colbert, animateur TV
Quoi de plus ironique que de voir des auteurs s’insurger lorsqu’on les confond avec des américains, alors qu'ils ont choisi un nom de plume anglo-saxon ? Tout le sel réside alors dans les critiques quant à la piètre traduction du roman en question !
En revanche, ce qui me chagrine sincèrement, c’est de réduire d’excellents auteurs à des Poulidor du sentimental, alors qu’ils rendent glamour des romances très françaises. J’aimerais qu’on parle plus souvent du succès commercial et critique des œuvres d’Angela Behelle ou d’Angéla Morelli (hasard des prénoms) qui prennent la peine de situer leur action sur notre territoire. Car en vérité, quel est l’intérêt (autre que commercial) de créer de fades décalcomanies de ce qui existe déjà (en mieux fichu) aux Etats-Unis ? On me répondra que l’exotisme américain est toujours très puissant chez des lectrices biberonnées aux séries US. Peut-être. Pourtant, les plans marketing dignes de campagnes de guerre nous montrent que s’il y a volonté de vendre, on y parvient sans peine (le discutable Calendar Girl en est une preuve irréfutable).
Et en toute honnêteté, il n'y a rien de plus emmerdant que d'imposer comme stars de la romance française, des auteurs situant systématiquement leur récit aux USA.

                      
 La lectrice qui rejette violemment une version fictionnelle d'elle-même.
Crédit photo : Stephen Billington dans L'Exorcisme 
Il existe une caste qui m’a toujours déroutée chez les lectrices de MM (romance homosexuelle mâle/mâle) : les fanatiques. Si toutes les lectrices de MM ne vouent pas un culte exclusif et quasi sanguinaire à la romance gay, j’ai rarement vu une communauté aussi investie dans un mouvement littéraire (il en existe d'autres, mais ma culture geek n'est pas super approfondie). Étrangement, il leur est presque impossible de lire une romance hétérosexuelle, même si elle est identique à une histoire MM (et dont les personnages ont des caractères similaires).
Ce comportement vire au plus-que-bizarre quand tout élément féminin fait l’objet d’un rejet net et sans appel. Au point de reprocher à leur auteur favori des incursions dans la romance hétéro. N’est-il pas étrange de renier un roman à cause du sexe d'un personnage, tout en affirmant qu’on l’aurait adoré sous sa version gay ? (certaines de mes copines - lectrices et autrices de MM - surnomment cette obsession : le « culte de la bite »).
N’est-ce pas une manière inconsciente de s’exclure de toute relation amoureuse (comme un complexe d'infériorité) ? N'auraient-elles pas trop bien assimilé la misogynie de notre société qui pousse à dénigrer les femmes, au point de se l'approprier sans réaliser le tort que ça leur infligeait ?
Ou alors, c'est juste un trop-plein d'amour pour la bite ! 😁
Bref, un petit panel savoureux des profils qui me laissent perpétuellement en mode Gnéééé ? même si je dois avoir ma place réservée à leur propre dîner de cons !

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