samedi 25 novembre 2017

SANG ROYAL Volumes 1, 2 et 3 de Dongzi Liu et Alejandro Jodorowski

4ème de couverture :
volume 1 : Noces sacrilèges (56 pages)
Alvar, jeune et puissant souverain, trahi par son propre cousin et laissé pour mort, reprend ses droits au terme de plusieurs années sans mémoire. Mais son retour lui révèle une trahison plus cruelle encore. Blessé, bafoué, il reconquiert son trône en imposant à tous une épouse controversée : sa propre fille.Cette tragédie Shakespearienne met en scène l'âme noire de personnages hantés par des cauchemars de feu et de sang et habités par l'obsession de la vengeance.
volume 2 : Crime et châtiment (56 pages)
Après avoir reconquit son trône, le roi Alvar a pris pour épouse Sambra, qu'il croit être sa fille. L'ancienne Reine Violena et le Prince Rador, pourris de haine, ourdissent un plan pour détruire l'amour puissant qui unit le couple royal. La lame de la vengeance amènera les deux amants sur le chemin de la jalousie et de la haine.
volume 3 : Des loups et des rois (56 pages)
Alvar est désemparé : il était enfin parvenu à la paix avec le royaume voisin, lorsque les deux vieux rois avaient fiancé leurs enfants. Tous deux se réjouissaient de voir leur futur petit-fils régner sur leurs domaines unifiés... Mais leur ingrate progéniture en a décidé autrement, et n a pas l intention de se laisser marier. C est alors que le fantôme de Sambra apparaît à Alvar, lui rappelant que, si son adultère avec un beau berger lui a valu la mort, il a aussi donné un enfant. Le petit-fils d Alvar a été ainsi élevé par des loups. Sa pureté pourra-t-elle vaincre la haine et la décadence ? Dans la suite de cette flamboyante tragédie shakespearienne, les fantômes des êtres assassinés planent encore sur le roi Alvar...

Alors, doc, verdict ? 
Une tragédie qui obsède le lecteur après avoir refermé le dernier volume. Je me suis sentie secouée, sortie de ma zone de confort et déroutée. Ce n'est pas une trilogie, tous les enjeux politiques n'ayant pas été résolus, mais effectivement, le tome 3 clôt un premier cycle. Certains sites annoncent un 4ème volume pour 2018 (soit 5 ans après le dernier), je ne sais pas si on peut vraiment compter dessus. C'est pourquoi j'apprécie que ceux déjà parus constituent une histoire complète.

Volume 1 (publié en 2010).
Spolié par un cousin ambitieux, blessé dans sa chair et son âme, affamé de vengeance et de passion incontrôlée, le roi Alvar écrit son destin qui le conduira inexorablement à sa perte.On pressent déjà que la fureur, la passion et le sang se mêleront pour créer une tragédie digne de Shakespeare. Ce premier tome est ravageur, sensuel, pervers, passionnant.
Habituellement, je n'aime pas ce type de dessin très crayonné et réaliste, mais Dongzi Liu a le talent d'exacerber la beauté physique ou la laideur intérieure des personnages, même si je le trouve particulièrement doué avec les personnages masculins. De plus, son utilisation de la lumière et des différences nuances de sépia donnent des scènes très fortes et créent une atmosphère crépusculaire parfaite pour ce récit.
Vraiment un très beau premier volet.

Volume 2 (publié en 2011).
Le premier avait planté les graines du drame, le deuxième volet en récolte les premiers fruits. De l'amour à la haine, du désir à la pitié, de l'espoir à la mort.
Le trait du dessinateur est intense, et accompagne un scénario aussi sensuel, violent que dramatique.
Alvar le roi maudit croyait enfin toucher le bonheur du doigt, il lui sera vite retiré et plus cruellement que la première fois. Et il n'y aura ni rémission, ni rédemption cette fois.
La force de cette bande dessinée réside dans l'écriture et l'illustration de ce personnage charismatique, mais aussi dans une histoire puissante, tragique et flamboyante.

Volume 3 (publié en 2013).
Les deux premiers tomes m'avaient déstabilisée, rendue accro, et il faut dire que celui-ci se sera fait désirer ! La fin du deuxième nous laissait supposer que le suivant serait sa conclusion, or il n'en est rien. Heureusement, ce tome continue certes la saga, mais propose une fin de volume digne de ce nom. Cette nouvelle génération de personnages promet de grandes choses, et devrait révéler tout son potentiel dans le volume suivant, s'il y en a un.
Les illustrations sont toujours très belles, le trait plus net, dégageant beaucoup d'émotion et de force. Le scénario est ciselé, les desseins des uns et des autres s'imbriquent pour former un jeu de pouvoir complexe. Loin de tout manichéisme, on comprend que ce sont les blessures qui forgent les hommes, pas seulement leur nature.
Bref, encore une réussite.

Verdict : beau, dramatique et intense

GLÉNAT

mardi 21 novembre 2017

Réseaux sociaux et romance, ces profils qui nous laissent perplexes...

Crédit photo : Alice in wonderland, Walt Disney (1951)
En intégrant le petit monde de la romance, je me suis interrogée sur certaines postures et comportements, croisés le temps d’une discussion ou d’un partage d’actualités. Certains m’ont déconcertée, parfois horripilée, d'autres m'ont fait rire, tant et si bien qu’il m’a semblé amusant d'en faire un petit article récapitulant les plus remarquables.

L’auteur qui refuse l'étiquette "lecteur de romance" pour mieux en écrire. 
Au fil de mon immersion, j’ai souvent lu cette affirmation : « je ne lis jamais de romance » (sous-titre : A va pas, non ? Je lis pas cette merde pour greluches hystériques, Môa !), surtout chez des auteurs ayant acquis une petite notoriété. Comme si les penser capables d’en lire était la pire des insultes. Je ne parle évidemment pas de ceux qui n'en lisent pas et n'en font pas étalage, mais bien ceux qui revendiquent haut et fort ne pas s'y frotter (pourquoi, c'est contagieux ?).
Outre les doutes que m’inspirent de tels propos (certaines de ces œuvres étant clairement inspirées de succès sentimentaux récents), je ne suis pas sûre d'apprécier qu'un auteur me pousse à acheter un roman qu'il n'aurait lui-même jamais lu. Comment croire en sa sincérité, quand, au détour d'une discussion, il ironise sur la qualité générale d'un genre (et par extension, de son public), inversement proportionnelle à la quantité de « pognon que ça rapporte » ? (du vécu).
Parfois, en guise de justification, l'auteur fait valoir son œil neuf, sûr d'apporter de la fraîcheur. S'il n’est pas illogique de vouloir s’affranchir des codes de la romance, de là à affirmer qu’en méconnaissant ses mécanismes, on est capable de la renouveler, c’est faire preuve d’une sacrée arrogance (et comment peut-il savoir qu'il renouvelle le genre s'il n'en lit jamais, hein, hein ?). D'ailleurs, les exemples que j’ai en tête m’ont prouvée que ces histoires n'avaient rien de révolutionnaire…

L'auteur de fanfiction ou la bestiole communautaire (Anna Todd, tremble, j'arrive !) 
C'est la génération Wattpad ; des romances rédigées pour le plaisir (ou pour la gagne), par des lectrices pour des lectrices, dont une grosse majorité rêve de devenir la nouvelle Anna Todd, voire d'être celle qui va poutrer After avec un Bad quelque chose.
Ça pourrait être toi, moi, la voisine... bref, tout le monde ayant une connexion internet, l'envie de raconter des histoires et le désir d'avoir des retours de lecteurs.
Ce que j'aime moins, ce sont les starlettes arrivant en terrain conquis, suivies d'une cour de ravis de la Crèche, qui se contentent de flatter l'auteur charismatique pour faire oublier un texte somme toute sans grand intérêt. Le problème, c'est qu'au nombre de vues, le plus gros gagne la mise et trouve éditeur à son pied. Lorsque son seul talent est d'avoir su se construire une audience en se servant des échanges entre membres, ça donne des titres médiocres, mais publiés.
Principe number one du petit wattpader : être partout, incontournable, obligeant les autres à s'intéresser à lui. On hameçonne un public, puis on le ferre avec une histoire facile et universelle. Parfois même, le noyau communautaire est le seul argument qui lui permet d'être édité, ce qui se traduit par ce bandeau-type : « déjà 50 000 lectures sur Wattpad ».
Lol.

L’auteur qui construit son personnage public au lieu de se constituer une bibliographie (ou quand l'image prime sur le contenu)
 

Aaah, celui-ci me fait sourire à chaque fois. Y a un petit côté  « au théâtre, ce soir », d’assister à cette foire à la vanité, surtout lorsque les résultats s’avèrent bien maigres par rapport aux efforts consentis. Je sais, c’est très vilain de se moquer des petits travers d’autrui, cela dit, cette course au culte de soi-même a quelque chose de pittoresque.
Aujourd’hui, impossible de nier que le néant tire parfaitement son épingle du jeu, pourvu qu’il ait un bel emballage (ex : ces « célébrités » issues de la téléréalité). C’est pourquoi de nombreux auteurs ressentent le besoin d’exister sur les réseaux sociaux avant même d’avoir écrit leur première ligne. Dans mes contacts facebook, j’ai moi-même un intéressant panel de Machin(e) Auteur(e), dont l’œuvre n’a pas encore connu les joies de l’édition, et encore moins la tournée des soumissions (et des refus l’accompagnant), mais qui chiade son image comme un produit marketing plaqué or. Bref.
Pour en revenir à l’auteur qui confond vendre et SE vendre, on le reconnaît aux nombreuses photos de lui-même qu’il partage dans des poses dignes de Playboy ou du Studio Harcourt (il peaufine son image de star, des fois que sur un malentendu...), à ses activités annexes qui le mettent en avant sans pour autant parler de sa production anémique, aux multiples déclinaisons d’une seule et même œuvre (entre l’ebook, le livre, la version audio, éventuellement la traduction et l’adaptation ciné – ah non, là, on rêve), qui parfois même se positionne en romancier expérimenté du haut de sa longue carrière d'un ou deux ans d'exercice…
Tout, tout, tout, pourvu qu'on parle de lui. Son œuvre ? Détail ! On verra plus tard.


L’auteur qui prétend que son cas s'applique à tout le monde  (sous-titre : si tu n'as pas la même carrière, tu t'y es pris comme un blaireau).

Crédit photo : Glee
Celui-ci m’est peu sympathique, tant sa fâcheuse tendance à tout ramener à sa successful expérience est teintée de mépris. Chaque débat à propos des difficultés rencontrées par les autres auteurs fait l'objet d'une intervention en mode "moi aussi, j'ai super galéré", alors qu'il explose les ventes, et bénéficie de sacrées avantages éditoriaux. J’imagine qu’intervenir sans un minimum d’humilité recueille de sacrés grincements de dents, en privé. Même un œil extérieur est capable de déceler les différences de traitement entre auteurs, il n'y a qu'à voir la publicité faite autour de leurs actualités, et le type d'édition dont ils bénéficient.
Car non, tous les auteurs ne trouvent pas systématiquement une maison d’édition prête à les signer au premier texte soumis, tous les auteurs ne bénéficient pas d’une mise en avant digne d'un blockbuster à chaque nouveauté, tous les auteurs ne sont pas publiés en « Saint Graal papier ». Cela n'en fait pas de mauvais auteurs (en général, ils ont même un talent et un style plus singuliers), juste des auteurs qui n'ont pas eu de bol à la loterie du timing.
Et quand l'auteur à succès insiste sur son parcours du combattant, en comparant son cas avec celui de ses collègues moins chanceux, c'est un peu comme si un gagnant du loto donnait des leçons de boursicotage à un SDF.
Hors sujet et limite indécent.


L’auteur qui revendique sa franchouillardise, tout en situant ses romans aux USA (parce que ça fait plus sexy).

Crédit photo : Stephen Colbert, animateur TV
Quoi de plus ironique que de voir des auteurs s’insurger lorsqu’on les confond avec des américains, alors qu'ils ont choisi un nom de plume anglo-saxon ? Tout le sel réside alors dans les critiques quant à la piètre traduction du roman en question !
En revanche, ce qui me chagrine sincèrement, c’est de réduire d’excellents auteurs à des Poulidor du sentimental, alors qu’ils rendent glamour des romances très françaises. J’aimerais qu’on parle plus souvent du succès commercial et critique des œuvres d’Angela Behelle ou d’Angéla Morelli (hasard des prénoms) qui prennent la peine de situer leur action sur notre territoire. Car en vérité, quel est l’intérêt (autre que commercial) de créer de fades décalcomanies de ce qui existe déjà (en mieux fichu) aux Etats-Unis ? On me répondra que l’exotisme américain est toujours très puissant chez des lectrices biberonnées aux séries US. Peut-être. Pourtant, les plans marketing dignes de campagnes de guerre nous montrent que s’il y a volonté de vendre, on y parvient sans peine (le discutable Calendar Girl en est une preuve irréfutable).
Et en toute honnêteté, il n'y a rien de plus emmerdant que d'imposer comme stars de la romance française, des auteurs situant systématiquement leur récit aux USA.

                      
 La lectrice qui rejette violemment une version fictionnelle d'elle-même.
Crédit photo : Stephen Billington dans L'Exorcisme 
Il existe une caste qui m’a toujours déroutée chez les lectrices de MM (romance homosexuelle mâle/mâle) : les fanatiques. Si toutes les lectrices de MM ne vouent pas un culte exclusif et quasi sanguinaire à la romance gay, j’ai rarement vu une communauté aussi investie dans un mouvement littéraire (il en existe d'autres, mais ma culture geek n'est pas super approfondie). Étrangement, il leur est presque impossible de lire une romance hétérosexuelle, même si elle est identique à une histoire MM (et dont les personnages ont des caractères similaires).
Ce comportement vire au plus-que-bizarre quand tout élément féminin fait l’objet d’un rejet net et sans appel. Au point de reprocher à leur auteur favori des incursions dans la romance hétéro. N’est-il pas étrange de renier un roman à cause du sexe d'un personnage, tout en affirmant qu’on l’aurait adoré sous sa version gay ? (certaines de mes copines - lectrices et autrices de MM - surnomment cette obsession : le « culte de la bite »).
N’est-ce pas une manière inconsciente de s’exclure de toute relation amoureuse (comme un complexe d'infériorité) ? N'auraient-elles pas trop bien assimilé la misogynie de notre société qui pousse à dénigrer les femmes, au point de se l'approprier sans réaliser le tort que ça leur infligeait ?
Ou alors, c'est juste un trop-plein d'amour pour la bite ! 😁
Bref, un petit panel savoureux des profils qui me laissent perpétuellement en mode Gnéééé ? même si je dois avoir ma place réservée à leur propre dîner de cons !

vendredi 10 novembre 2017

RED ROOM 3, 6 et 7 de Lynda Aicher


4ème de couverture :
Tome n°3 : Tu braveras l'interdit.
"S’abandonner au plaisir, assumer ses désirs, repousser ses limites… Allie y a renoncé. Cela ne cadre pas avec l’image d’avocate respectable qu’elle s’est imposée. Il est donc hors de question qu’elle retourne un jour au Red Room, ce club audacieux qui la met face à ses fantasmes les plus inavouables. D’autant plus que Seth Matthews, le séduisant copropriétaire du club, est loin de la laisser indifférente. Alors, quand ce dernier lui suggère une expérience sexuelle inédite avec Tyler Wysong, un invité du club, elle sait qu’elle devrait refuser sans même y réfléchir. Car ce que ces deux hommes lui proposent est mal. Honteux. Interdit, même. Mais elle est troublée par l’attirance qu’elle ressent pour eux, et l’alchimie qui opère entre eux trois lui semble irrésistible. Elle est terrifiée. Partagée. Doit-elle suivre les règles qu’elle s’est toujours fixées ou, pour une fois, suivre son instinct et écouter son cœur ?"
Tome n°6 : Tu chercheras ton plaisir.
"V, Vanessa, Maîtresse V… Vanessa Delcour a un nom pour chaque facette de sa vie : V est une sœur aimante et une amie dévouée, Vanessa, une redoutable femme d’affaires et Maîtresse V, la sulfureuse copropriétaire du Red Room, le club le plus privé de la ville. Mais, le jour où Holden Hauke entre dans sa vie, c’est tout ce fragile équilibre qui se fissure. Holden est beau, déterminé, et la façon dont il se prête aux jeux érotiques qu’elle invente pour eux la trouble au plus profond d’elle-même. Il est tout ce dont elle a toujours rêvé et tout ce qu’elle s’est interdit, car, elle le devine, un tel homme ne se contentera jamais de la Maîtresse en elle. Il la poussera dans ses retranchements… jusqu’à trouver la femme."
Tome n°7 : Tu trouveras l'amour.
"Liv a toujours mené sa vie comme elle l’entendait. Elle a peut-être l’air douce et innocente, mais elle sait exactement ce qu’elle veut et ne s’est jamais laissé imposer la moindre décision. Bref, elle n’a pas une once de soumission en elle. Alors, pourquoi l’idée que Noah prenne le contrôle de son plaisir l’excite-t-elle à ce point ? Pourquoi sent-elle tout son corps se tendre d’anticipation quand il lui murmure : « Il y a tant de choses que je voudrais te faire… » ? Quand leurs peaux se frôlent, que leurs regards se croisent, elle n’est plus que désir. Un désir qui la consume et l’effraie à la fois, car un doute la hante : sera-t-elle capable de s’offrir à Noah sans se perdre elle-même ?"

Alors, doc, verdict ?
Sachant que le BDSM n'est pas ma tasse de thé, j'ai préféré sélectionner trois tomes bien précis dans cette série. D'abord parce que j'ai du mal avec la notion de soumission/domination d'un être sur un autre, ensuite parce que je ne parviens jamais à totalement dissocier châtiment BDSM et violences conjugales, et pour finir, parce que la majorité des romans traitant du BDSM font de l'héroïne la soumise.
Ceci posé, j'ai donc gardé deux sujets qui m'intéressaient : le trouple, le rapport soumis/dominatrice, plus un petit rab avec le dernier volet de la série.
Lus en ebook, j'ai apprécié les qualités éditoriales, bien que le septième volet ait connu deux sorties de route notables (des phrases incompréhensibles, passées à travers les mailles du filet de la relecture), la fluidité du style de Lynda Aicher, qui reste simple sans être ordinaire.

Tome 3 : Tu braveras l'interdit.
Cet interdit, encore tabou dans notre société, c'est le polyamour, la polyandrie, ici le trouple ou ménage à trois. Attention, à ne pas confondre avec le triangle amoureux qui propose les aventures sentimentales d'un élément central que se disputent deux satellites.

J'ai vraiment apprécié l'honnêteté de l'autrice qui ne cache pas l'horreur vécu par Tyler. Le pire lui est bien arrivé, ce roman axe son sujet sur le cheminement intérieur des personnages, ce qui change agréablement de romans BDSM plus opportunistes qui alignent les scènes de sexe. D'ailleurs, ce n'est pas une histoire de bondage (les seules pratiques du genre croisées le sont à travers les activités professionnelles des membres), mais une relation dominant/soumis.
Le rapport qui s'installe entre les trois protagonistes (Seth, Tyler et Allie) m'a tout de même légèrement inquiétée. Cette sorte de cellule familiale de substitution a un léger parfum d'inceste sans l'être vraiment. C'est probablement dû à la différence d'âge entre Tyler et les deux autres. Une fois identifiée, cette incertitude ne m'a plus quittée en voyant Tyler évoluer. Plus jeune que ses amants, j'ai eu le sentiment que malgré la passion, il n'en était qu'au début de sa vie amoureuse.

Le roman, lui-même est très sexy, et mêle une intrigue politique à la sentimentale, qui trouve sa conclusion (heureux hasard de cette sélection de tomes) dans le septième et dernier volet de la série que je viens de terminer.
J'ai vraiment apprécié le thème, encore rare en romance, et la façon dont l'autrice a développé les interactions entre ses personnages, leur construction, leurs individualité et la dynamique du trouple, même si j'ai gardé une pointe d'appréhension quant à son avenir.

Tome 6 : Tu chercheras ton plaisir.
Mon tome préféré. Il propose enfin un canevas où l'homme se retrouve en position subordonnée, schéma extrêmement rare dans la romance érotique. C'est d'autant plus dommage qu'avec cette relation, Lynda Aicher a prouvé qu'être soumis n'était pas synonyme de faiblesse.
Tout l'intérêt ici est d'avoir présenté Holden comme un homme "sain" et charismatique (sportif, gentil, généreux et surtout, heureux) avec un besoin naturel de s'en remettre à une femme exigeante pour lâcher prise en privé.
La façon dont sont amenés ses désirs, mais aussi sa conquête de Vanessa en passant par son personnage de Maîtresse V est très intéressante car tout semble couler de source. Il s'infiltre dans sa vie par le biais d'éléments "faciles" (son physique avantageux, sa quête de soumission), mais ce sont bien ses qualités de cœur, son assurance et sa force tranquille qui explosent au fil du roman et rendent sa conquête de V évidente.
En permettant une interaction soutenue avec d'autres personnages, que ce soit l'entourage des héros ou les "vedettes" des tomes précédents, ils prennent plus de consistance et de réalisme.

Tome 7 : Tu trouveras l'amour.
Partie pour ne lire que les deux sujets qui m'intéressaient (trouple et dominatrice/soumis), je me suis surprise à enchaîner sur l'ultime épisode, intriguée par les personnages mis en vedette. Liv est la petite sœur de Vanessa, et son antithèse. Optimiste, ouverte et très joyeuse, c'est un personnage solaire qui éclabousse le tome de sa générosité. Noah est l'avocat du Red Room. Ancien dom, glacial et secret, il n'est pas dans la séduction avec Liv, au premier abord, mais plus dans un rôle de protecteur discret, d'autant qu'il est plus âgé qu'elle. Peu à peu, il se laisse séduire par l'énergie communicative de la jeune femme, son humour et son charme.
L'intérêt de ce tome est d'en avoir fait un dominateur "repenti" après le suicide de sa compagne, et de ne pas avoir choisi la facilité en le faisant replonger au premier signe encourageant de Liv. Clairement dominant, ce qu'il est intrinsèquement, il s'accorde parfaitement avec Liv, car leurs besoins se rejoignent.
C'est l'histoire d'une reconstruction après une perte, et au pardon qu'on s'accorde. C'est le récit d'une page blanche sur laquelle tout doit être ré-écrit. Et ce n'est jamais bâclé ou facile pour des besoins scénaristiques. Les sentiments sont là, les personnages ne se les dissimulent pas, mais ils ont la maturité nécessaire pour s'avouer leurs faiblesses et se laisser le temps de guérir. C'est assez poignant.
L'accident de voiture impliquant tous les protagonistes des précédents tomes apporte son lot de drame, mais renforce aussi la cohésion de cette petite communauté, sans cacher les conséquences familiales ou professionnelles qui vont en découler.
Un bon roman qui clôture une saga d'excellente facture.

En conclusion, une série qui fait la part belle à la psychologie de ses personnages et à un érotisme soutenu, sans une once de vulgarité. Le message systématiquement véhiculé par l'autrice, tout au long des tomes lus, c'est le consentement. À chaque nouvelle étape des relations, celui qui domine s'enquière systématiquement des besoins et du bien-être de son/ses partenaire(s), tout comme le soumis prend le temps d'apprivoiser son amant, ce qui tranche de manière radicale avec tous les romans du genre (et particulièrement les plus gros succès) de ces dernières années. Ce ne sont jamais des relations abusives, mais des relations entre adultes consentants, mûrs (les dominants flirtent quasi tous avec la quarantaine) et malmenés par la vie, sans avoir pour autant sombré dans la violence de pratiques extrêmes pour compenser, ce qui là encore, n'a rien à voir avec la romance actuelle.

Verdict : Très bonnes lectures, avec coup de coeur pour le tome 6 💖

HARLEQUIN
361 pages
333 pages
353 pages

mardi 7 novembre 2017

MAFIA & SÉDUCTION TOME 1 : LE PROFESSIONNEL de Kresley Cole



4ème de couverture :
"Espérant retrouver la trace de ses parents biologiques, Natalie Porter engage un détective privé, dont elle demeure bientôt sans nouvelles. La réponse à ses questions, c'est le troublant Aleksandr Sevastyan qui va la lui apporter. Chef de la mafia russe, tueur à gages professionnel, Aleksandr a pour mission de l'escorter jusqu'à son père véritable. Son arrivée à Moscou éveille alors les convoitises les plus perfides. Mais le petit jeu voluptueux qui s'installe entre Natalie et son impitoyable garde du corps n'est-il pas plus dangereux encore ?"

Alors doc, verdict ?
Mafia russe + romance érotique + Kresley Cole = potentiel incroyable.
Sur le papier, l'union des trois annonçait un carton absolu. Le résultat n'en est que plus décevant.

La mafia russe. Soit un immense vivier encore inexploité d'hommes rudes, sauvages, aux tatouages sexy, dont les principes moraux détonnent avec notre sensibilité européenne. Loin de la sophistication d'une mafia italienne très codifiée, cette organisation criminelle venue du froid (et très compliquée à infiltrer), provoque autant de fascination que de crainte.
Il était logique que ses membres finissent par intéresser la romance, toujours en recherche de mâles alpha à se mettre sous la dent.

Pourquoi cela n'a pas fonctionné, ici ?

Parce que Kresley Cole s'est contentée de quelques recherches superficielles sur la Bratva, en y mêlant un peu de vocabulaire russe pour faire illusion. Mais au fond, on ne croit pas une seconde à cette dynastie moscovite du crime "propre". D'ailleurs, le récit se contente d'effleurer le milieu sans en approfondir les enjeux et l'univers poisseux si particulier (pas faute d'avoir des films sur le sujet : Les promesse de l'ombre, Little Odessa, etc.) .

Parce que la qualité de la traduction, de la relecture et de la mise en page de la version numérique est juste dégueulasse ! Indigne d'une maison d'édition comme J'AI LU. Quant à l'emploi du passé composé comme temps de narration, il s'avère tout bonnement inapproprié et maladroit.
Quelques exemples illustrant les problèmes rencontrés :
La première fois qu'est écrit "union non consumée", on croit à une erreur. À la seconde, on est dépité. Les fautes sont "spectaculaires" (fuck aux accords du participe passé). Les répétions et tics de langage finissent par fatiguer (l'héroïne passe son temps à "enrouler ses orteils" à la moindre excitation). Les retraits des dialogues sont trop importants comme ceux des paragraphes, rendant la mise en page désagréable à suivre avec un sentiment d'amateurisme. La lecture numérique a modernisé tout ça, il est temps de se mettre à la page.

Fautes et mise en page, la preuve en image (pour agrandir, il suffit de cliquer sur la photo).

Parce que l'histoire est juste un prétexte pour livrer des scènes érotiques (sulfureuses, certes), et que l'intrigue flirte allégrement avec l'option timbre-poste, et que son manque d'ambition est indigne d'une autrice aussi sensationnelle que Kresley Cole.

Parce que la notion de consentement y est encore une fois piétinée, au point de vouloir virer Natalie de son job d'héroïne, pour dindasserie irrécupérable.

Parce que le personnage d'Aleksandr se contente du minimum syndical en mode cliché du gros dur : mutique, ténébreux et obsessionnel avant d'être pris d'une frénésie d'aveu et de pleurnicheries dans les dernières pages.

Parce que les personnages secondaires font de la figuration, y compris le père de Natalie.

Pourquoi je n'ai pas tout jeté.

Parce que j'ai trouvé la frénésie sexuelle de Natalie rafraîchissante (pour une fois que l'héroïne harcèle le héros, ça change), et sa soumission loin d'être passive. Elle a du caractère, même si ça reste une dinde, fondant au premier signe de faiblesse de sa brutasse.

Parce que ça reste une lecture divertissante, facile, et diablement érotique.

Pour conclure, je n'ai pas du tout été convaincue par ce premier volume de la trilogie Mafia & Séduction (les tomes suivants se penchent sur les frères d'Aleksandr). Ça ne m'a pas pas donné envie d'en savoir plus.
Par ailleurs, je n'adhère vraiment plus à la politique de publication de tous ces grands groupes concernant les collections destinées au lectorat féminin. Ras-le-bol d'être méprisée à ce point (oui, oui, enjeux commerciaux, bit-lit qui se casse la gueule, romances faciles pour public de grues, etc.). 
Bref, il est temps de sortir le troisième tome de l'excellente saga des Arcanes (de Kresley Cole), au lieu de faire traduire des romans médiocres, les gars !

Verdict : Grosse déception 😠

J'AI LU
400 pages

lundi 6 novembre 2017

Romance, sexe et tabous, quand la révolution sexuelle provient du genre littéraire le moins subversif...

Crédit photo : Cole Phillips (1921)

La Romance : récit dont l'élément central est une histoire d'amour qui finit bien.
Pour ses détracteurs : littérature de bonnes femmes, formatée, convenue, cul-cul la praline, irréaliste, idiote, rigide, frigide…
Autant de qualificatifs associant la romance à son public majoritairement féminin, tel un lectorat de seconde zone sans une once d'ambition intellectuelle. Certains éditeurs au cynisme assumé, s'emploient d'ailleurs à faire perdurer ces clichés, s'obstinant à proposer de la merde à une partie de leurs lecteurs.rices. Il faut hélas bien reconnaître que cette partie-là, peu regardante et avide d'avoir sa "dose", accentue par la même occasion, la production de romans bas-de-gamme.
Cercle infernal de l'offre répondant à la demande.

Lorsqu'on regarde de plus près les canevas encore majoritairement utilisés, on remarque vite que le fond n’a pas vraiment changé. Un homme, forcément viril, dominant riche et séduisant poursuit de ses assiduités une femme, forcément ignorante de sa propre beauté, soumise malgré son petit caractère, et en situation professionnelle précaire (ou dont la brillante carrière finira abandonnée comme les sous-vêtements, au premier claquement de doigt du monsieur).
Ou comment s'asseoir allégrement sur l'émancipation de la femme et la notion de consentement .
Mais il y a au moins une bonne nouvelle...
Depuis les années 2010, la romance la plus sucrée avoisine la plus dépravée dans une joyeuse cacophonie. L’indifférence de l'establishment le rendant incapable d'en encadrer le contenu avec l'obligation de poser des avertissements clairs (warnings), il n'est d'ailleurs pas rare de se retrouver avec un récit bien salé sur les bras, planqué sous une couverture des plus sobres. Sauf que les auteurs n'ont pas attendu 2010 et l'explosion de la littérature érotique pour accorder à leurs héroïnes une sexualité active et des désirs à satisfaire.

De Buffy à Captive in the Dark, où comment une série TV serait à l'origine de tout ce merdier...
Brisons dès maintenant le mythe d'une chasteté idéale au nez des gardiens de la bonne moralité.
Les Aventures et Passions de J’AI LU, si souvent méprisés avec leurs couvertures pleines de mâles à la chemise déchirée, ben il y avait déjà du cul dedans ! Si, si ! Ces romans n’ont attendu ni le feu vert de la société patriarcale ni la validation du milieu porno pour proposer à leurs lectrices, des cunnilingus, des fellations en plus de la bonne vieille levrette !
Quoiqu'à force de ronronner, le genre commençait à étouffer. Un peu comme le polar nordique est venu dépoussiérer le thriller, la romance s'est servi de sang neuf pour ne pas s’endormir. Buffy étant passée par là, les auteurs ont repris à leur compte les éléments fantastiques et autres enjeux romantiques de la série TV pour en livrer leur propre version.
La bit-lit venait de naître.
De fil en aiguille, Twilight paraissait, devenait un phénomène des ventes, et engendrait une ribambelle de clones dans un univers similaire ou plus « réaliste ». En parallèle, la montée du phénomène fanfiction permettait à de purs amateurs de partager leurs écrits sous l’œil bienveillant d’un public actif sur les réseaux sociaux. D’abord proposé en lecture gratuite, puis en autoédition, le roman 50 Shades of Grey fait partie de ces romances nées des cendres de Twilight.
Pourquoi lui plutôt qu’un autre ?
Parce qu’il a su réunir au moment opportun toutes les envies d’un lectorat en quête de nouveauté. Parce que la fanfiction a tout d’abord offert à son autrice la liberté d’écrire ce qu'elle désirait sans encourir les foudres de la censure, et l’autoédition de publier en s’affranchissant d’un éventuel rejet de maisons d’édition trop frileuses.
Oh, bien-sûr, EL James n’a rien inventé. Le pitch d’une amourette entre un homme ténébreux et dominant avec une jeune femme naïve se retrouve dans énormément de romans. Mais elle a eu le flair d’utiliser le classicisme d’une romance balisée en y mêlant la crudité d’un film X. L’originalité est d’y avoir associé (maladroitement pour les puristes) des pratiques sulfureuses réservées à des initiés, puis d’avoir proposé le tout à un public réceptif.
La faible qualité littéraire du roman a d'abord masqué son impact. C'était sans compter sur son universalité qui a su "parler" aux millions de lectrices. Or c’est en s’infiltrant dans leur intimité, que cette littérature a révolutionné leur sexualité. Sans adhérer à son style ou au pitch de son roman, reconnaissons à EL James l'exploit d'avoir sorti l’érotisme de la confidentialité en le popularisant, dans les rayons comme dans nos chambres à coucher. De plus, en sortant le BDSM du placard, elle a vulgarisé les codes d’une sexualité dite « déviante » aux yeux du grand public.

Conte de fées moderne + sexe + pratiques taboues + public populaire = carton planétaire.

Ou comment une simple romance a fait chuter la plupart des tabous sexuels...

Depuis ce succès phénoménal, des milliers d'auteurs ont tenté de reproduire cette recette miracle, non seulement pour accéder au statut de star richissime, mais aussi sous la pression d'un public de plus en plus blasé. La demande pour des romances moins formatées s'est accentuée, nécessitant en parallèle, un renouvellement de la matière première. Où trouver cette matière si ce n'est en creusant les schémas sexuels les moins exploités ? Et comment prendre plus de risques si ce n’est en flirtant avec l’interdit ?
Sans transformer cet article en bibliothèque du tabou, il fallait bien commencer par illustrer mon propos avec des exemples d'œuvres relevant de la "Romance". Issus de l'autoédition et de l'édition, classiques ou contemporains, ces romans condensent les tabous les plus connus.

Inceste, trouple et homosexualité, zoophilie

SM hard, nécrophilie...

Infidélité, échangisme et pédophilie.
 

Sans surprise, être à l’origine d’un scandale à l'ère de l'information instantanée, garantit une visibilité impressionnante. Quoi de mieux qu'un bad buzz pour attiser la curiosité, planquée derrière des cris d'indignation ? L’essentiel, c'est de vendre. Or pour vendre, il faut susciter l'intérêt. Petit problème, le sexe plan-plan étant exploité en long, en large et en travers (même les fessées et les coups de cravache finissent par lasser), il faut constamment l'alimenter en souffre, d’où une exploration indispensable d’autres schémas sentimentaux (relations, pratiques, fantasmes, etc.).

Quand la société donne un coup de pouce pour trouver le sujet des futurs best-sellers.
L'homosexualité : check !
L'image de l'homosexualité a grandement évolué. Orientation sexuelle opprimée, sa récente institutionnalisation a permis un début de normalisation au sein de la société. Jusqu'alors plébiscité comme "meilleure copine à moustache" des personnages féminins, l'homosexuel a dévoilé sa sexytude à travers le coming-out de ses membres les plus torrides. Dès lors, et malgré son statut inaccessible aux femmes hétérosexuelles,  le héros de MM a pris son envol, titillant le désir chez ce lectorat en quête de nouveautés. En effet, quoi de plus émoustillant qu’un héros viril et sexuellement hyperactif, sinon deux (ou plus) ? On n'y déplore aucune rivalité avec une héroïne trop parfaite, en revanche, on joue les voyeuses devant les jeux du sexe entre hommes : le cocktail presque idéal.
Son pendant féminin est plus confidentiel. Le FF restant moins attractif aux yeux d'un lectorat majoritairement féminin et hétérosexuel.

Le trouple ou polyamour : check !
Schéma sentimental de plus en plus utilisé, le trouple (contraction de trio et couple) se manie avec précaution. Tous les auteurs n'ont pas le talent d'écrire une histoire d'amour harmonieuse entre plusieurs personnages. Avec son Luxuria, Frédérique de Keyser y est parvenue, car elle y a mêlé une analyse très complète de leur psychologie. Aucun d'eux n'est désavantagé. Ce qui est peut-être moins le cas avec Red Room 3 : Tu braveras l'interdit de Lynda Aicher, avec une relation qui m'a semblé plus bancale sur le long terme. La relation doit rester équilibrée. Dès le moment où on ressent l'exclusion de l'un des membres à cause d'une préférence même imperceptible, ou qu'il s'accorde moins bien avec ses partenaires, le trouple peut exploser. On trouve de nombreuses combinaisons, deux hommes/une femme (ma préférée), deux femmes/un homme, trois personnes du même sexe, voire plus de partenaires (mais là, j'émets des doutes sur la sérénité de la relation).

Le BDSM : check !
Pas besoin de revenir sur ces pratiques qui ont intégré notre inconscient collectif. Nécessitant d'être encadrées (les urgences pourraient en raconter de belles sur l'amateurisme de ses nouveaux adeptes), elles ont gagné une visibilité incroyable et se sont banalisées. À titre personnel, je suis bien plus réceptive aux récits mettant en scène un soumis avec sa dominatrice (une belle romance érotique dans le genre Red Room 6 : Tu chercheras ton plaisir, toujours de Lynda Aicher), et suis devenue une ayatollah du consentement. Raison pour laquelle je supporte très mal la romance qui exploite ce domaine, en confondant "emprise amoureuse aveugle" et "échange respectueux entre soumis et dominant".

Le viol et la torture sexuelle : check !
Remercions la Dark Romance et plus spécifiquement la Dark Erotica d’avoir romantisé la torture et l’agression sexuelle, les transformant en base d'une relation amoureuse viable. Le sujet est développé dans mon article sur la Dark Erotica, je n'y reviendrai pas.

La pédophilie : inconcevable (et illégal).
Dans cet esprit (l'absence de consentement n'est plus un frein pour la romance), on aurait pu croire que la pédophilie finirait par être exploitée. Or l'interdit est désormais totalement intégré dans nos sociétés occidentales, même si le porno aime beaucoup jouer avec ce thème. Selon l'époque et le pays, la pédophilie s'est pourtant glissée dans la romance érotique le plus naturellement du monde. (Lolita n'est pas une romance). En 1959, le roman Emmanuelle de Emmanuelle Arsan mettait en scène une toute jeune fille de 13 ans très délurée et amie d'Emmanuelle, ainsi que de jeunes garçons à Bangkok. Aujourd'hui, ce serait impensable sans déclencher un tollé et encourager le tourisme sexuel.
Pour rappel, en France, le fait d'encourager la pédophilie par le biais (entre autres) d'une fiction écrite ou visuelle est puni par la loi (Article 227-23 du code pénal, 5 ans de prison et 75000 euros d'amende, quand même).
Normal.
Alors pourquoi le viol ne l'est pas ?

Les communautés intouchables : en cours.
Le très surfait Priest de Sierra Simone a ouvert la voie d'un Seigneur très pénétrable. En matière de romance, il ne doit pas être le seul, mais ça reste plutôt discret, sûrement pour éviter le harcèlement des communautés touchées.

L’inceste : check !
Les Mangas sont moins frileux, les japonnais ont cette culture ancrée depuis bien plus longtemps que nous. Et seuls quelques auteurs de romance français ou traduits en VF s’y sont risqués pour l’instant, même si la littérature érotique pure n'est pas avare de textes sur ce thème. Je n'ai trouvé aucun roman à succès publié par une grande maison d'édition, ce qui renforce ma conviction que le sujet n'est pas encore prêt à être exploité (voire surexploité). Je me permets tout de même de citer les romans avec liens du sang que je connais (utiliser des membres par alliance, c'est assez faux-cul quand on traite le sujet), comme Son addiction d'Isabel Lucia, Trop proche de toi de Juliette Di Cen, Rentrer à la maison de Max Vos, ou encore la saga Fleurs captives de Virginia C Andrews (qui est en fait un drame). Pour que la relation fonctionne, le principe de consentement y est OBLIGATOIRE. Sinon, c'est un viol. Et viol + inceste, en dehors de la DR qui n'en est plus à ça près, je ne vois pas trop comment ça pourrait être confondu avec une histoire d'amour.

La zoophilie : check ! (mais si !)
D’après vous, qu’est-ce que la bit-lit avec des métamorphes, hein, hein ?
Plus sérieusement, le succès d'histoires avec des tentacules, des T-Rex et autres hommes-singes, devrait nous mettre la puce à l'oreille.

La nécrophilie : pas encore.
À moins d'assimiler les romances zombie à la nécrophilie, il me semble que la littérature sentimentale ne s'est jamais réellement penchée sur la question. Pourtant, elle draine une image proche de la romance gothique. L'absence de réciprocité y est sûrement pour quelque chose. Lol... Et à moins de ressusciter le.a mort.e, je ne vois pas trop comment l'exploiter en romance.
Plutôt qu'utiliser l'affiche du film The Corpse of Anna Fritz d'une crudité terrible mais tout à fait représentative de la nécrophilie, il me semble que le clip suivant illustre avec précision l'idée d'une romance morbide. C'est beau, c'est poétique, c'est malsain, c'est sensuel.

Kylie Minogue et Nick Cave en duo sur Where the wild Roses grow

Paradoxalement, parmi tous les tabous déjà cités, il en est un extrêmement banal qui passe toujours aussi mal.

L'adultère.
Probablement parce que ça remet en cause le concept même d'un amour exclusif et éternel. Qui a trompé, trompera. Cette trivialité renvoie beaucoup trop à la cruauté d'un quotidien souvent subi par la lectrice (ou le lecteur). Petite surprise, on constate souvent une certaine tolérance pour l'infidélité féminine. En plaçant l'héroïne dans une position d'actrice, et non de victime passive, on en fait une amazone qui n'a de comptes à rendre à personne, et se retrouve libre de coucher avec les hommes qui l'intéressent, sans passer pour la dernière des salopes.
Le fantasme de beaucoup de femmes.

Étrangement, certains tabous n'intégreront probablement jamais la romance, car ils mettent en scène des actes corporels « sales » : scatologie, émétophilie (triper sur le vomi), urologie, etc. Leur utilisation ne dépassera jamais la confidentialité d'une littérature de niche.

Mais en vérité, où réside la ligne entre l'acceptable et l’inacceptable, pourquoi certains sujets sont utilisés sans se voir apposés des warnings clairs, alors que d'autres sont impossibles à traiter ? Y aurait-il donc des tabous inoffensifs et d'autres trop politiquement incorrects pour être utilisés ?

Pour conclure, n'est-ce pas amusant de voir l'un des genres les moins subversifs de la littérature, se montrer le plus audacieux en matière de libération sexuelle ?


samedi 4 novembre 2017

LE DÉSIR DE A à Z : 5 NOUVELLES ÉROTIQUES VOL 3 de collectif


4ème de couverture
"Par une nuit d’été caniculaire ou sur une plage paradisiaque, Tess, Suzanne, Evie, Julie et Kendall vont s’abandonner aux plus délicieux des fantasmes. Mais que ce soit dans les bras d’un mystérieux inconnu, ou pressée contre le corps de l’homme le plus interdit qui soit, la question est la même pour chacune : est-elle prête à mettre son cœur en jeu ?"

Alors, doc, verdict ?
Aspect technique : du Harlequin, donc un savoir-faire reconnu en matière d'édition, y compris numérique.
Qualités/défauts sur la forme : selon les nouvelles, les traductions sont plus ou moins élaborées. Excellente pour celle de Portia Da Costa avec "M comme Maître", mais "peut mieux faire" pour "P comme Passionnément" de Megan Hart qui présente parfois des tournures de phrases maladroites. détail amusant, il s'agit d'une même traductrice pour les deux.

Ressenti global : une belle sélection de textes, certains sont mignons, d'autres de véritables petits bijoux.
Deux se détachent particulièrement : "L comme Love" et "M comme Maître", mais pour des raisons différentes.

"L comme Love" de Anne Calhoun, raconte les retrouvailles d'un soldat des forces spéciales avec sa petite-amie, par une nuit de canicule. Tout d'abord assez classique, l'histoire négocie assez vite un virage plus psychologique très bien mené. [spoiler] Malgré la punition infligée pour ne pas avoir respecté une parole donnée, le récit fait preuve d'une jolie tendresse. Sa conclusion est émouvante. [fin du spoiler]
"M comme Maître", novella écrite par Portia Da Costa vaut surtout pour le style littéraire raffiné plus que pour l'histoire de ce couple récemment initié aux plaisirs de la domination, et qui se montre particulièrement appliqué... J'ai été séduite par l'écriture virtuose, mais j'avoue que la vanité de la narratrice et l'éternelle schéma "homme dominant, femme soumise ET "punie" m'ont particulièrement agacée. Détail amusant, on retrouve ce couple dans les deux précédents volumes de cette collection.

Les autres histoires sont sympathiques aussi, malgré des écritures un peu inégales. Certains auteurs ont un style plus recherché et ça se remarque, particulièrement quand on enchaîne la lecture de plusieurs novellas.

Dans l'ensemble, j'ai apprécié chaque romance (avec happy-end obligatoire, et c'est tant mieux !), notamment parce que même en se servant de situations "banales", l'émotion et l'érotisme n'ont jamais été oubliés.
Les personnages sont un minimum travaillés, les récits mettent en scène des histoires abouties.
En conclusion : une très agréable lecture.

Verdict : Très agréable

HARLEQUIN
241 pages

LE DÉSIR DE A à Z : 5 NOUVELLES ÉROTIQUES VOL 2 de collectif


4ème de couverture
"Un lourd rideau de neige blanche et ouatée, un froid glacial qui mord la peau et rosit les joues, une paire de bas sous un trench très sage… et si l’hiver était la plus érotique des saisons ? Au côté des sulfureuses héroïnes de ce recueil de nouvelles, laissez-vous frissonner de froid et de désir mêlés."

Alors, doc, verdict ?
Question technique : conforme aux attentes, le fichier numérique est parfait. L'avantage de l'ebook, c'est sa disponibilité immédiate à coût moindre, sans crainte de la rupture de stock.
Question de forme : quelques maladresses résiduelles de traduction ou relecture (ponctuation, construction de phrase). Rares, mais présentes, ce qui est inapproprié pour un grand éditeur.

Ce volume a confirmé tout le bien que je pensais de Anne Calhoun, et son indéniable talent pour soigner ses personnages, avec son "G comme un Goût d'interdit". L'étude psychologique y est fine, les personnages, froids d'un premier abord, sont en fait en pleine reconstruction et en deviennent touchants. C'est aussi un texte qui dégage beaucoup de sensualité et d'espoir. Cette novella représente 46% du recueil, son récit constitue donc un roman de A à Z.

Dans "H comme Hot (très hot)" Portia Da Costa a utilisé les mêmes personnages que dans sa novella "F comme Fessée". J'ai plus ou moins survolé cette histoire en raison de son sujet qui m'inspire peu (le BDSM) et toujours ce personnage féminin d'une vanité à hurler. Le style est quant à lui, un des plus aboutis.

"I comme Irrésistible" de Georgia E Jones place son intrigue dans le Londres du début XIXème.
Autant le dire, je n'ai pas aimé le manque de style et d'élégance de l'écriture de cette romance historique. Ce n'est pas une histoire qui se prête à la novella, et cet aspect "précipité" laisse une impression de bâclage. Par ailleurs, l'histoire ne propose pas de chute satisfaisante.

L'incontournable Megan Hart propose avec "J comme Joue avec moi" une mignonne romance sur les pistes de ski. Elle est agréable et bien écrite, mais sans véritable relief. Dommage.

L'ultime nouvelle "K comme Kamasutra" de Alison Tyler tranche avec les autres romances érotiques.
Le ton y est plus cru, l'écriture est rythmée mais les ruptures/reprises de scène rendent le récit un peu moins fluide. Je n'ai aimé ni l'histoire ni les personnages.

Pour conclure, ce recueil vaut vraiment le coup pour Anne Calhoun, qui mérite d'être découverte.

Verdict : agréable

HARLEQUIN
297 pages

LE DÉSIR DE A à Z : 6 NOUVELLES ÉROTIQUES VOL 1 de collectif


4ème de couverture
"Aussi sexy qu’impétueuses, Kate, Gina, Corryn, Callie, Brady et Suzanne s’apprêtent à vivre la plus torride des aventures. Dans un jardin à la vue de tous, dans le silence d’un train qui file vers Venise ou dans les bras d’un homme dont elles n’attendaient plus de surprise, elles vont s’abandonner aux plus interdits des frissons… et décliner toutes les nuances du désir."

Alors, doc, verdict ?
Question technique : Ayant lu ce recueil en ebook, le fichier s'est avéré impeccable, avec un sommaire facile d'accès.
Question de forme : Déception, le travail de relecture manque de précision. on attend mieux d'un éditeur aussi expérimenté.

Premier volume sur le désir composé de six nouvelles, je l'ai trouvé un cran en dessous des suivants. Les histoires sont plutôt communes, elles manquent de relief et d'originalité. Toutefois, l'impression générale reste positive, c'est agréable à lire, moderne et sexy.

A comme attache-moi de Alison Tyler
Une histoire d'étudiants, un jeu du chat et de la souris, un besoin de soumission qui va se concrétiser.
Le langage est familier et le style parfois "brouillon". Ce qui n'empêche pas d'être l'une des histoires les plus sensuelles.

B comme brûlant de Anne Calhoun
La rencontre d'une secrétaire et d'un collègue faite de tentation et de questionnements (un peu trop). Ils vont se tourner autour longtemps.
J'avais adoré le travail de cette auteure, or c'est peut-être la romance dont le sujet a été le plus exploité. Dommage, la fin n'est pas très satisfaisante, mais l'écriture reste agréable.

C comme curieuse de Amber Carlsbad
Récit d'un voyage en train à travers l'Italie, où deux inconnus vont se séduire.
Les descriptions sont poétiques, on sent l'envie de faire coïncider le texte à l'esprit "dolce vita". Mais la romance s'avère trop plate, je n'ai pas été convaincue par les personnages non plus.

D comme dévoilée de Elisa Adams
Deux voisins, deux joueurs qui se cherchent pour l'histoire la plus brûlante du recueil.
Simple, efficace, avec une pointe d'humour, c'est ma préférée.

E comme envoûtement de fey Suarez
Des pirates, des plongeurs, du fantastique et du sexe.
La moins convaincante, le style n'est pas à la hauteur des autres nouvelles, quant à l'histoire, elle donne l'impression de ne pas être assez travaillée. Le final est assez brutal, l'élément fantastique mal développé.

F comme fessée de Portia Da Costa
Premier épisode des aventures de Suzanne et Simon, couple établi, partant à la découverte du BDSM.
L'écriture est rythmée, assurée, une valeur sûre de la romance sexy.

Verdict : Agréable sans être inoubliable

HARLEQUIN
223 pages